Jeudi matin, 8h. Votre nom est en une d’un grand quotidien. À 9h, votre téléphone sonne :
« Bonjour, c’est pour une réaction de votre part avant le bouclage de notre reportage radio. »
Vous êtes mis en cause dans une affaire sensible ? La demande vient d’un média reconnu ou d’un support polémique ?
Et surtout : que faites-vous ? Vous répondez ? Vous éludez ? Vous passez le relais à votre attaché de presse ou à un porte-parole ? Ou vous… vous taisez ?
Quand une information mal maîtrisée peut faire le tour des réseaux sociaux en quelques minutes, répondre à un journaliste — ou choisir de ne pas répondre — n’est jamais neutre. C’est un acte stratégique, qui engage votre organisation, votre ligne politique, vos valeurs…
Mal maîtrisée, une prise de parole peut créer un préjudice, nuire à votre image auprès du grand public ou de votre audience professionnelle, ou provoquer une mise en cause durable dans l’opinion publique.
À l’inverse, un discours clair, préparé, en ligne avec votre cause et vos valeurs, peut renforcer la crédibilité de votre entreprise et livrer une information de qualité, utile aux auditeurs, aux lecteurs et au débat démocratique.
Linker vous aide à faire les bons choix en matière de presse, à comprendre ce qui importe vraiment.
On vous livre les clés pour :
- Comprendre les droits, devoirs et exigences liés à l’information journalistique
- Décider quand parler, comment, et à qui il convient de répondre
- Construire une relation de confiance dans la durée, même lorsque l’actualité est tendue
- Vous préparer au mieux pour ce type de relation média

Comprendre le rôle du journaliste et le cadre médiatique
Avant d’interagir avec un journaliste, il est essentiel de comprendre qui il est, à quoi il est tenu, et quelles sont les règles de déontologie qui encadrent son action. Cette première partie permet de poser un cadre clair, loin des fantasmes ou des clichés sur le « pouvoir médiatique ».
Qui est le journaliste aujourd’hui ?
Le journaliste est un professionnel de l’information, reconnu légalement comme tel lorsqu’il tire l’essentiel de ses revenus de cette activité et travaille dans le respect d’une mission d’intérêt général. Il peut exercer sous différents statuts : reporter de terrain, éditorialiste, chroniqueur, présentateur, ou encore pigiste (journaliste indépendant payé à l’article).
Malgré cette diversité de profils, le journaliste agit dans un cadre commun : celui de l’indépendance éditoriale, qui le distingue des communicants ou des influenceurs. Il n’est pas là pour promouvoir une marque ou défendre un intérêt privé, mais pour informer.
Quelles sont les obligations déontologiques du journaliste ?
Le journaliste ne fait pas « ce qu’il veut ». Sa pratique repose sur des principes déontologiques largement partagés au niveau national et international :
- Vérification des faits
- Recherche de la vérité
- Indépendance à l’égard des pouvoirs et des intérêts privés
- Respect de la vie privée
- Droit de réponse et équité des points de vue
En France, la charte du Syndicat National des Journalistes (SNJ) et la Déclaration de Munich de 1971 font office de repères éthiques.
Quelle est la responsabilité du journaliste envers le public ?
Le journaliste ne travaille pas pour l’entreprise qu’il interroge, mais pour le public. Il a une responsabilité sociale forte : celle de garantir un droit à l’information libre, honnête et pluraliste.
Ce rôle ne lui donne pas tous les droits : il ne peut pas diffamer, manipuler ou omettre volontairement des éléments clés. Il doit trouver un équilibre entre la liberté d’expression, l’intérêt général et le respect des personnes.

Faut-il répondre aux journalistes ? Les enjeux d’une prise de parole
Répondre à un journaliste, c’est un peu comme prendre la parole lors d’un dîner où tout le monde écoute : il faut savoir pourquoi et comment le faire.
Pourquoi répondre à un journaliste ?
Répondre, c’est l’occasion de faire entendre sa voix plutôt que de laisser quelqu’un d’autre raconter votre histoire à votre place. Cela permet de :
- Gagner en visibilité sans payer de pub
- Expliquer les choses clairement, sans malentendus
- Faire passer ses idées et influencer l’opinion
- Garder la main sur le récit, avant que la rumeur ne prenne le dessus
Alors, on peut dire non à un journaliste ?
Bien sûr, on n’est pas obligé de répondre à tout le monde ! Dire non peut être la meilleure option dans certains cas :
- Quand le timing est vraiment mauvais (on n’est pas prêt ou c’est trop chaud)
- Si le sujet est trop sensible ou compliqué à gérer sur le moment
- Si la demande ne correspond pas à votre stratégie de communication
- Ou si le média n’est pas en phase avec vos valeurs (presse tabloïd, par exemple)
Donc, le silence, bonne ou mauvaise idée ?
Parfois, ne pas répondre semble plus simple. Mais attention, le silence peut vite devenir un mauvais signal :
- Il peut être perçu comme une fuite ou un aveu
- Donner l’impression qu’on ignore le problème ou qu’on s’en fiche
- Laisser le terrain libre aux rumeurs et aux spéculations
Bref, le silence peut se retourner contre vous… sauf quand il est vraiment bien calculé.
Qui doit parler ? Et comment choisir la bonne personne ?
Dans une entreprise, tout le monde n’est pas forcément appelé à prendre la parole face aux médias.
Selon la situation, c’est parfois le PDG qui doit s’exprimer, d’autres fois un porte-parole bien formé ou un expert métier qui apporte sa légitimité.
Interlocuteur | Rôle principal | Quand intervenir ? | Points forts | Points à surveiller |
PDG / Dirigeant | Porte-parole de la vision stratégique | Crise majeure, annonces stratégiques | Autorité, vision globale | Risque de maladresse, surcharge |
Porte-parole officiel | Communication quotidienne avec médias | Interviews courantes, questions récurrentes | Formation media training, maîtrise du message | Risque de décalage si mal briefé |
Juristes / Avocats | Gestion des aspects juridiques | Droit de réponse, contentieux | Expertise légale, crédibilité juridique | Communication parfois trop technique |
Experts métiers | Apport technique ou sectoriel | Dossiers spécialisés, questions pointues | Crédibilité technique | Risque de jargon incompris |
Responsables communication | Coordination globale, relais | Organisation des interviews, gestion relation médias | Maîtrise du timing, cadre la parole | Doit bien connaître la stratégie |

Deux cas spécifiques : communication de crise et droit de réponse
Abordons deux cas spécifiques de communication avec les journalistes :
- La communication de crise (avec une version réponse et une version silence)
- Le droit de réponse
Communication de crise pour laquelle il fallait parler : entreprise industrielle et accident grave
Une détonation retentit dans un atelier d’usinage métallique. L’explosion fait 2 blessés légers, maîtrisée en quelques minutes par les pompiers, mais la scène est spectaculaire.
Très vite, des riverains postent sur les réseaux : “C’est l’usine qui a explosé !”. Une photo d’un panache de fumée devient virale.
Rapidement, le premier journaliste appelle.
L’entreprise hésite. Devrait-elle attendre la fin de l’enquête technique interne ? Le DRH propose de ne rien dire tout de suite. Le PDG, lui, prend une autre décision.
Une heure plus tard, il donne une brève conférence de presse improvisée dans le parking de l’usine, devant trois journalistes locaux. Il explique :
“L’incident est maîtrisé, aucune pollution, deux collègues légèrement blessés et bien pris en charge. Une enquête interne démarre dès ce soir. Notre priorité : la sécurité et la transparence. Nous communiquerons les suites dès que possible”
Le lendemain, la presse titre titre : “Incident dans un atelier, deux blessés légers”. Sur les réseaux, les messages accusateurs sont désamorcés. Lundi, les salariés reviennent travailler, confiants.
Analyse :
- Ce qui a fait la différence : ne pas laisser l’espace médiatique être occupé par la rumeur.
- Pourquoi il fallait parler : les images impressionnantes et les publications spontanées sur les réseaux rendaient la situation inflammable. Le silence aurait amplifié les soupçons.
- Facteurs clés de réussite :
- Rapidité
- Message simple, centré sur les faits confirmés
- Canal adapté (présence physique, journalistes locaux)
- Humilité dans la communication
Cas de crise où le silence était préférable : entreprise tech et plainte déposée
Une scale-up de la cybersécurité, en pleine levée de fonds, découvre qu’un ancien collaborateur a porté plainte pour “harcèlement moral” contre l’un de ses managers.
Un média spécialisé prépare un article. Le journaliste appelle le service communication, évoque des “faits graves”, menace de publier “dans la semaine”.
Panique à la direction. Certains plaident pour une prise de parole rapide : “Il faut dire qu’on est exemplaires, communiquer un maximum, montrer qu’on agit !”.
Le DG, conseillé par un cabinet externe, choisit le silence. Pas de communiqué. Pas d’interview. Pas de déni non plus.
Le cabinet prépare cependant un message interne pour les salariés : reconnaissance de la plainte, enquête et mise à pied provisoire du manager en question, audit RH en cours.
L’article sort, factuel, neutre, faute de salariés pour propager des rumeurs. Aucun relais majeur ne s’en empare.
En parallèle, l’entreprise renforce sa politique RH en interne, puis communique discrètement dessus un mois plus tard, une fois les conclusions connues.
Analyse :
- Ce qui a fait la différence : ne pas “crier plus fort que l’accusation”.
- Pourquoi le silence était préférable : sujet judiciaire en cours, absence de preuve médiatisable, risque d’amplifier une affaire encore peu exposée.
- Facteurs clés de réussite :
- Silence public mais action interne réelle
- Anticipation d’un plan de réponse si la pression montait
- Non-agression des journalistes
- Respect du temps judiciaire
Alors, parler ou se taire en cas de crise ?
La bonne décision n’est jamais automatique, elle dépend du contexte, du niveau d’exposition, de la maturité des faits et surtout du rapport de force médiatique en présence.
Une parole non préparée peut faire plus de mal qu’un silence temporaire réfléchi.
Cas de l’exercice du droit de réponse
Le directeur général d’un groupe d’ingénierie de 300 salariés, ouvre son téléphone comme chaque matin.
Mais ce jour-là, la notification en haut de son écran ne ressemble pas aux autres.
“Conflit d’intérêts dans une société de la tech : un appel d’offres sous influence ? Selon un ancien salarié, le DG aurait personnellement orienté un marché public au profit d’une société liée à son ancien réseau professionnel.”
L’article est publié sur un site d’information économique réputé. Il le lit une fois. Puis une deuxième.
Son nom est cité. En toutes lettres. Comme celui de sa société.
Le DG en tombe de sa chaise. Il n’a jamais été impliqué dans ce marché. La société évoquée n’est ni cliente, ni connue de lui. Il comprend : un témoignage anonyme, sans vérification, peut être une vengeance ou une tentative de déstabilisation. Et déjà, sur LinkedIn, des partages apparaissent.
Il veut répondre. Tout de suite. Il pense à publier une vidéo. Mais il se ressaisit. Et si il contactait d’abord son service communication ?
- Le droit de réponse existe : il est encadré par la loi.
- Il faut agir vite, mais sans émotion.
- Le média est légalement tenu de le publier, s’il est sollicité correctement.
Une lettre part en recommandé :
“Monsieur le Directeur de la publication,
Votre article publié le [date] contient une accusation erronée à mon encontre. Je n’ai jamais eu de lien professionnel ou personnel avec la société évoquée. Aucun élément objectif ne justifie la formulation employée, qui peut nuire à l’image et aux intérêts de ma société.
En vertu de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881, je vous adresse ci-joint un droit de réponse que je vous demande d’insérer, dans les conditions prévues par la loi.
Cordialement,
Après contact avec la rédaction, un droit de réponse est établi dans la semaine. Sobre. Clair. Objectif.
Pas de revanche. Pas de menace. Juste la vérité rétablie.
- Le média publie un rectificatif discret.
- L’article d’origine ne circule plus.
- Le réseau professionnel du DG salue sa rigueur.
- En interne, les collaborateurs sont rassurés.
Le droit de réponse est un outil puissant, rapide et gratuit pour corriger une atteinte publique.
C’est une arme juridique précise, pour protéger sa réputation sans créer de polémique.
Encore faut-il respecter les délais et éviter de l’utiliser comme une tribune d’opinion. Le droit de réponse n’est pas un coup de gueule.
Parfois, la meilleure communication, c’est la loi.

La préparation avant toute interview : un levier de maîtrise
Quand vient le moment de l’interview, il faut être préparé. Une interview, ce n’est pas une conversation informelle. C’est une prise de parole stratégique qui engage la réputation de l’entreprise (et souvent celle de la personne qui parle).
Préparer l’interview, c’est réduire les imprévus et maximiser l’impact.
Pourquoi est-il essentiel de se préparer ?
Même les meilleurs communicants ne s’improvisent pas face à une caméra ou à un micro. Un mot de travers, une approximation, une posture défensive… et la séquence peut devenir virale (pour de mauvaises raisons).
La préparation permet de :
- Limiter les risques de dérapage
- Structurer un message clair et mémorable
- Anticiper les questions sensibles ou pièges
- Renforcer la confiance du porte-parole
Le media training : un outil incontournable pour les dirigeants
Le media training, c’est l’équivalent d’un crash test pour vos prises de parole. Il permet :
- Des mises en situation réalistes (caméras, micros, journalistes pro)
- L’analyse du verbal et du non-verbal
- Un travail sur la concision, l’impact et l’attitude
- Des réflexes à adopter face aux questions imprévues

Bonus : nouer une relation constructive avec les journalistes
Il ne suffit pas de décrocher son téléphone en cas de crise : une relation efficace avec les médias se construit bien en amont, sur la durée. Comme toute relation de confiance, elle repose sur la régularité, la transparence… et un soupçon de tact.
Une relation constructive avec les journalistes, c’est comme une bonne collaboration professionnelle :
- Transparente : on ne cache pas l’essentiel (même si on ne dit pas tout)
- Régulière : on échange hors crise, pas seulement quand on a un problème à gérer
- Respectueuse : on comprend les contraintes de l’autre (ex. délais serrés, besoin de titres accrocheurs)
- Gagnant-gagnant : l’entreprise a de la visibilité, le journaliste a de l’info claire, fiable et contextualisée
Checklist – 10 bonnes pratiques de relation presse
- Être joignable (même après 18h… parfois)
- Répondre vite (sans se précipiter)
- Préparer ses messages clés
- Respecter les embargos
- Ne jamais mentir
- Proposer des angles ou des données utiles
- Personnaliser ses prises de contact
- Ne pas harceler pour relire les papiers
- Être disponible hors actu chaude
- Dire merci après une parution (et oui !)